Énergie : comment sécuriser ses contrats en période de volatilité — avec l’impact de l’actualité mondiale et des choix politiques français
Un article rédigé par Pascal Chalot – Amalia Energy, adhérent du réseau Mieux Entreprendre et courtier en énergie pour entreprises.
1. Un marché plus calme, mais encore fragile
Depuis le début de l’année 2025, les prix de l’énergie en Europe se sont nettement assagis.
- Gaz naturel : le TTF évolue actuellement autour de 31–33 €/MWh, un niveau bien inférieur aux pics records atteints en 2022–2023. Cette détente est liée à des importations de GNL robustes, ainsi qu’à une demande mondiale moins soutenue qu’attendu, notamment en Asie.
- Stocks européens : au cœur de l’été, les réserves de gaz sont déjà remplies à près de 80%, avec un objectif de 90% atteint de manière plus flexible grâce à un assouplissement réglementaire. Concrètement, les États membres peuvent désormais viser ce seuil jusqu’au 1er décembre, ce qui évite une panique estivale et des envolées de prix artificielles.
- Électricité en France : la disponibilité du parc nucléaire s’est redressée, renforçant la sécurité d’approvisionnement et contribuant à un retour à des prix plus stables.
Ces signaux offrent une fenêtre de tir intéressante pour les entreprises. Mais attention : l’équilibre reste fragile, car le marché demeure sensible à la météo, aux tensions géopolitiques et aux opérations de maintenance industrielles.
2. Les facteurs mondiaux qui influencent vos factures
L’Europe reste fortement exposée aux dynamiques globales, en particulier sur le gaz et le pétrole.
- Le rôle du GNL : les importations de gaz naturel liquéfié battent des records en Europe, notamment grâce à la baisse de la demande asiatique. L’Europe attire une part croissante des cargaisons, ce qui soulage son approvisionnement.
- Les États-Unis : après une phase d’incertitude réglementaire, Washington a réaffirmé son soutien aux exportations de GNL. De nouvelles capacités et autorisations confortent leur rôle de fournisseur pivot pour l’Europe.
- Les risques géopolitiques : les tensions au Moyen-Orient et la vulnérabilité du détroit d’Hormuz rappellent la dépendance des marchés aux grands chokepoints logistiques. Une perturbation majeure aurait un effet immédiat sur le pétrole et, par ricochet, sur le gaz et l’électricité en Europe.
Ce qu’il faut retenir : malgré une situation actuelle relativement stable, le système reste exposé à des chocs exogènes. La stratégie d’achat doit donc intégrer la possibilité de pics ponctuels.
3. Les choix politiques français et européens à intégrer
La politique énergétique française et européenne évolue rapidement, et cela modifie en profondeur la structure des contrats proposés aux entreprises.
- Fin de l’ARENH : à partir de 2026, le dispositif qui permettait aux fournisseurs alternatifs d’accéder à l’électricité nucléaire historique à prix régulé disparaît. Il sera remplacé par un nouveau cadre nucléaire, basé sur un prix moyen cible autour de 70 €/MWh, avec des mécanismes de partage de revenus. Cela influencera directement les offres à long terme faites aux entreprises.
- Fin des dispositifs de crise : le bouclier tarifaire et l’amortisseur électricité ont pris fin début 2025, réexposant les PME et ETI aux prix de marché.
- Retour des accises : depuis février 2025, les taxes énergétiques (accises) sont revenues à leurs niveaux normaux, impactant directement le coût complet de la facture des entreprises.
- Ouverture de capacités hydrauliques : EDF a dû mettre à disposition environ 6 GW de capacités hydrauliques à des tiers, augmentant la concurrence et la flexibilité du marché.
- Réforme européenne du marché de l’électricité : elle consacre le rôle des contrats de long terme comme les PPA (Power Purchase Agreements) et les CfD (Contracts for Difference), tout en renforçant les mécanismes de capacité. Pour les entreprises, cela signifie davantage d’options pour sécuriser une partie de leur facture dans la durée.
4. Quand acheter ? Composer avec la saisonnalité et les règles de stockage
Les nouvelles règles européennes de stockage modifient la saisonnalité traditionnelle des marchés du gaz. Au lieu de pics systématiques à la fin du printemps et en été, la possibilité d’atteindre les 90 % de stock plus tard dans l’année permet un lissage de la demande et des prix.
Aujourd’hui, avec un gaz autour de 31 €/MWh et une électricité annuelle 2026 proche de 60 €/MWh, les conditions d’achat sont attractives. Pour autant, la stratégie la plus sûre reste d’échelonner ses achats dans le temps.
Conseil pratique : sécuriser une première tranche dès maintenant, puis compléter progressivement selon l’évolution du marché et les signaux de court terme (météo, tensions géopolitiques, annonces de production).
5. Les leviers contractuels à ne pas négliger
Pour sécuriser ses contrats dans un contexte encore incertain, plusieurs leviers s’offrent aux entreprises :
- Mixer fixe et indexé : une part fixe pour la visibilité budgétaire, une part indexée pour profiter d’éventuelles baisses.
- Acheter en tranches : répartir les volumes en plusieurs étapes, afin de lisser la volatilité et limiter le risque de mauvais timing.
- Négocier les clauses de volume : tolérances de consommation, pénalités de dépassement, flexibilité sur les jours chômés ou périodes d’arrêt.
- Définir des fenêtres de fixation : pour les offres indexées, prévoir des dates ou seuils automatiques de déclenchement.
- Explorer les PPA : ces contrats de long terme permettent de stabiliser une partie des coûts et d’améliorer l’empreinte carbone, mais nécessitent un cadrage précis des risques (profil, pénalités, garanties d’origine).
- Investir dans l’efficacité énergétique : modernisation des équipements, gestion technique du bâtiment, pilotage des consommations : souvent, le kilowattheure le plus rentable est celui que l’on ne consomme pas.
- Mettre en place une gouvernance interne : un comité énergie rassemblant direction financière, achats et exploitation permet de suivre les budgets, l’exposition résiduelle et les opportunités de couverture.
6. Check-list avant de signer
Avant de conclure un contrat, les entreprises doivent vérifier :
- Profil de consommation validé (base, pointes, saisonnalité).
- Budget cible et fourchette de prix acceptables.
- Choix du montage (fixe, indexé, mixte).
- Clauses clés de tolérance et de volume.
- Intégration des taxes et accises dans le coût complet.
- Scénarios de stress (hiver rigoureux, tensions géopolitiques, disponibilité du parc nucléaire/hydraulique).
- Alternatives : PPA partiel, autoconsommation, effacement.
7. Ce que cela signifie pour une PME/ETI en 2025
- Agir dès maintenant : sécuriser une partie de ses besoins sur 2026 et 2027 est rationnel, compte tenu des prix actuels modérés.
- Éviter le “tout fixe” : préférer une stratégie mixte, avec des points de fixation planifiés.
- Anticiper la fin de l’ARENH : à partir de 2026, la structure des offres évoluera fortement. Mettre ses fournisseurs en concurrence dès maintenant est une bonne pratique.
- Préparer les solutions de long terme : intégrer progressivement les PPA et les projets d’autoconsommation, pour stabiliser une partie de la facture et améliorer son image environnementale.
Conclusion
L’année 2025 offre une accalmie bienvenue sur les marchés de l’énergie. Mais cette situation ne doit pas inciter les entreprises à l’attentisme. Les signaux mondiaux, les choix politiques français et européens et la fragilité des équilibres rappellent qu’un choc est toujours possible.
Sécuriser ses contrats, c’est combiner anticipation, diversification et gouvernance interne. C’est aussi transformer l’énergie, longtemps vue comme un simple poste de dépense, en véritable levier stratégique de compétitivité et de résilience.
Un article rédigé par Pascal Chalot – Amalia Energy, adhérent du réseau Mieux Entreprendre et courtier en énergie pour entreprises.
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